Lui, il était sourd. Mais moi, j’ai été nulle…
Publié par mon-nid dans Humeurs le 3 mars 2014
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J’étais contente avec mes 3 livres. Vite fait, bien fait, j’avais trouvé les cadeaux que je cherchais. Ne restait plus qu’à régler mes achats, et je me suis donc dirigée rapidement vers les caisses de la FNAC.
Il me restait 1/2h avant la fin de l’école, autant dire que je devais me dépêcher.
Jour de chance : alors que la plupart des caisses affichaient 2 à 3 personnes dans la file d’attente, l’une d’elles étaient vide, le caissier attendant patiemment le prochain client.
Hé hé ! Une caisse vide et ces ballots de clients qui faisaient la queue dans les caisses adjacentes !
Ni une, ni deux, je me suis dirigée rapidement vers la caisse vide, espérant prendre de vitesse ceux qui se réveilleraient éventuellement et aviseraient le bon plan.
Je me dirige, donc, ma pile de livres dans les bras, et avise en m’approchant un petit écriteau devant ladite caisse « Je suis sourd. Merci de me regarder en parlant afin que je puisse lire sur vos lèvres. »
J’ai vu le panneau, et immédiatement, instinctivement, j’ai viré à droite, pour me positionner derrière les 2 clients qui attendaient déjà devant la caisse voisine.
J’ai viré.
Instinctivement.
Tout en pensant : « oh là là ! Galère ! Ca va être trop compliqué avec lui ! »
J’ai viré.
Moi, qui me targue d’être ouverte.
Moi qui enseigne le respect et l’acceptation de la différence à mes enfants.
Moi, qui ai appris le braille dans mon dictionnaire de primaire.
Moi, qui ai pris des cours de LSF (Langue des Signes Française) lorsque j’étais étudiante.
Moi, qui ai eu l’occasion de cotoyer des personnes handicapées : sourdes, aveugles, autistes, polyhandicapées…
Moi.
Je l’ai fait.
J’ai eu peur et j’ai viré.
Peur de quoi, finalement ? Peur que ce soit long. Compliqué. Peur de ne pas savoir comment faire. Comment gérer. Comment communiquer. Peur de la différence, peut-être, tout simplement.
J’ai eu peur.
Et puis, tandis que je virais discrètement, le monsieur de la caisse, celui qui était derrière son panneau, à cette caisse vide tandis que les autres étaient pleines, ce monsieur a levé les yeux.
Et il m’a regardé.
Et je l’ai regardé.
Alors j’ai stoppé.
Je pouvais avoir peur, mais ne pouvais pas être grossière.
Je pouvais tenter d’éviter la difficulté, mais pas le snober.
Alors j’ai stoppé mon virage.
Et je suis allée vers lui.
Je lui ai dit « bonjour », bien en face, en articulant bien. Et il m’a rendu mon salut.
Après, il a fait son job. Comme n’importe quel autre caissier.
Il a scanné mes articles, a passé ma carte Fnac, m’a indiqué le montant que je devais régler. Et j’ai payé.
En récupérant mes articles, j’ai quêté son regard. Pour le remercier, le saluer et lui souhaiter une bonne journée. Mais il ne m’a pas regardé.
Alors j’ai filé.
Ce jour-là, je suis allée à une caisse tenue par une personne sourde. Elle aurait aussi bien pu être entendante. Le même boulot a été fait, de la même manière, et tout aussi vite.
Ce jour-là, je suis sortie de la FNAC beaucoup plus rapidement que si j’avais fait la queue comme les autres derrière les caisses classiques. Celles qui étaient tenues par des caissiers pas forcément plus agréables, mais sans handicap.
Ce jour-là, j’ai pris une baffe dans la figure. Parce qu’on peut avoir des principes, mais aussi être con.
Ce jour-là, la conne, c’était moi.
2 commentaires sur “Lui, il était sourd. Mais moi, j’ai été nulle…”
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Belle leçon de vie !
J’espère que je m’en souviendrai…