Mon petit zèbre à l’école
Publié par mon-nid dans Mes oisillons le 10 juillet 2015
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Cela fait un moment que je ne vous ai pas parlé de mon petit Hérisson. Mon loulou si percutant et si fragile à la fois. Mon amour que la psychologue consultée pour sa grande tristesse nous a décrit comme précoce, suite à un test de QI. Mon petit zèbre.
Deux ans et demi sont passés depuis le diagnostic. Diagnostic qui était sensé lui faire du bien, lui permettant de comprendre pourquoi il se sent différent, à l’écart, un peu inadapté parfois. Diagnostic qu’il a finalement reçu avec un « Oh non ! » venant du fond du cœur. Du genre « Oh non, je ne pourrais jamais être comme les autres… »
Alors oui, tant qu’à être différent, autant avoir ce type de différence, je vous l’accorde. Autant avoir un esprit qui percute trop vite qu’un handicap avéré. Ceci dit, les choses ne sont pas si simples que ce que l’on pourrait croire, la vie n’est pas si rose avec un cerveau qui analyse tout trop bien.
Contrairement aux idées reçues, un petit zèbre n’est pas forcément premier de la classe. Il n’a pas forcément de petites lunettes rondes et une chemise boutonnée jusqu’en haut non plus (ah non ?). D’ailleurs, Hérisson, s’il a des lunettes (rectangulaires), ne porte que rarement de chemise (bref). Un gamin surdoué aura l’esprit en permanence actif. Il comprendra des choses que son âge ne lui permettra pas forcément d’intégrer. D’où des angoisses infinies sur les trous noirs ou les guerres mondiales, par exemple. Un enfant précoce fourmillera d’idées. D’une simple idée, il va partir sur dix mille autres, chacune en engendrant dix mille nouvelles, etc. jusqu’à ce qu’il ne sache même plus quelle était l’idée de départ. C’est ainsi que la conversation va sauter du coq à l’âne et de l’âne à la vache avant que vous ayez pu attraper le coq du départ. Un petit zèbre peut s’ennuyer en classe car on y rabâche sans arrêt les mêmes choses, et donc s’évader dans ses pensées, ne pas s’apercevoir que l’enseignante apporte pour une fois une nouvelle notion, et de ce fait foirer les exercices d’application qui suivent.
En gros, ce n’est pas aussi simple que l’on pourrait le croire.
Et mon Hérisson dans tout ça ? Et bien mon Hérisson, après le diagnostic, a fini tranquillement son année de grande section. Le CP l’année suivante a bien commencé, mais les ennuis ont très vite fait leur apparition. Au bout de quelques semaines de classe, malgré un apprentissage très rapide de la lecture, on a vu apparaître des exercices totalement faux. Des choses totalement délirantes, et une maîtresse un poil stupéfaite. Après discussion avec notre zèbre, il se trouve qu’il ne comprenait pas les consignes telles que n’importe quel quidam les comprenait. Il avait tendance à les trouver tellement simples qu’il pensait avoir raté quelque chose d’important, une astuce cachée, et il complexifiait totalement les choses pour arriver à des résultats abracadabrants. Nous avions donc un exercice de compréhension de texte là où on lui demandait un bête exercice de grammaire, des calculs impressionnants quand on lui demandait juste de trouver la réponse dans le texte, ou bien des textes à trous complétés par des mots certes judicieux, mais pas du tout dans la liste proposée par l’enseignante. Du rouge partout, donc, et un pauvre Hérisson totalement démotivé de ne jamais avoir un seul « tb » malgré son application. La maîtresse, que nous avons rencontrée, était également bien embêtée. Elle a donc pris le temps de vérifier à chaque exercice que la consigne comprise par notre petit précoce était bien la même que celle qu’elle avait en tête, et s’est appliquée à ne pas tout rayer lorsque notre loulou partait une nouvelle fois en toupie, mais à simplement indiquer « Oups ! » dans la marge, signifiant qu’on avait encore une fois un exemple de grand n’importe quoi. Hérisson avait quand même un sentiment d’échec, n’arrivait pas non plus à se faire de copain dans la cour, se retrouvant très souvent à jouer « avec sa tête », et au final nous a fait une belle dépression. Heureusement, nous avons bien travaillé en partenariat avec l’instit, qui s’est formée sur les EIP, ces petits élèves intellectuellement précoces, et l’année s’est terminée avec le sourire de notre loulou.
Cette année, Hérisson entrait donc en CE1. J’ai très vite alerté la maîtresse de la compréhension très personnelle des consignes de notre petit zèbre. Maîtresse qui n’avait rien vu et nous a d’ailleurs dit qu’elle doutait de la précocité de notre fils « car il est certes très bon et percutant, mais pas premier de la classe ». Nous on savait bien que le test, standardisé, ne pouvait pas se tromper, surtout lorsqu’il est fait par une psychologue très au clair avec la précocité. Mais la maîtresse pouvait bien penser ce qu’elle voulait, on s’en fichait un peu, puisque malgré tout elle semblait très bien réussir à gérer notre Hérisson, qui n’avait plus du tout de problème de compréhension des consignes, et commençait même à se faire des amis. L’instit ne se formalisait par exemple pas lorsque, quand elle posait une question et interrogeait notre petit garçon le doigt levé, il ouvrait grand la bouche sans qu’aucun son ne sorte. Il était simplement parti tellement loin dans ses pensées le temps qu’elle l’interroge qu’il ne savait plus du tout quelle était la question… Et bien la maîtresse, même si elle le trouvait un peu tête en l’air, laissait couler ce genre de comportement sans le harceler, et Hérisson semblait bien le vivre. La vie était belle, on était ravis !
Et puis voilà qu’au mois de mars, les ennuis ont recommencé. Hérisson a commencé de nouveau à sombrer. Câlins géants, humeur triste, notre loulou glissait de nouveau dans la dépression. La maîtresse s’en est rendue compte de son côté, les intervenants extérieurs aussi. Et pour finir, cet aveu de Hérisson : « je m’ennuie à l’école, je voudrais faire des choses plus compliquées ». Sauf qu’Hérisson n’est pas un grand téméraire. Sauf qu’il commençait à se faire des amis en CE1. Sauf qu’il n’était vraiment pas partant pour un saut de classe. Sauf que la maîtresse n’a pas voulu nous croire… Parce qu’il ne finit pas plus vite que les autres, parce qu’il ne demande pas d’exercices supplémentaires, parce qu’il ne connaît pas de manière innée la fin du programme. Mais Hérisson ne veut pas faire 5 exercices identiques s’il a pu prouver qu’il a parfaitement compris la notion au bout d’un exercice, et ne voit pas l’intérêt de se dépêcher de terminer son exercice si la carotte est un deuxième du même acabit. En bref, c’est à ce moment-là que nous avons compris que la non-compréhension de la problématique par la maîtresse pouvait effectivement poser problème.
L’année s’est finalement terminée cahin-caha, et l’année prochaine, Hérisson rentrera en CE2. D’après ce que j’ai compris, la maîtresse qu’il aura est passionnée par tous ces gamins un peu différents, les précoces, les dys, les TDA/H… On peut espérer qu’elle arrivera à le comprendre et à le motiver suffisamment pour que l’année se passe sans nouvelle chute d’humeur !
En attendant, et parce mon loulou n’est pas le seul petit zèbre à haut potentiel à être inadapté à l’école, j’ai reçu le livre « Réconcilier l’enfant surdoué avec l’école » des éditions Eyrolles, écrit par Laurence Lalande, directrice d’école pour enfants surdoués, qui a une bonne connaissance de la question.
Le livre est agréable à lire car coloré et aéré. Au début, elle brosse le portrait des EIP (enfants intellectuellement précoces), et de leur mode de fonctionnement différent. Puis elle fait le tour des difficultés rencontrées par les enfants surdoués, et de leurs manifestations possibles de mal-être. Ensuite, elle explique ce qui est mis en œuvre actuellement à l’éducation nationale et les réponses possibles aux difficultés rencontrées par ces enfants (il faut savoir que l’éducation nationale se penche de plus en plus sur les difficultés rencontrées par ces enfants, et a nommé dans chaque académie un référent EIP pour aider les familles et les enseignants face à ces enfants déboussolants à l’école). Enfin, elle explique pourquoi certains enfants surdoués éprouvent des difficultés scolaires et peuvent se retrouver en échec (parce qu’ils n’ont pas appris à apprendre, parce qu’ils possèdent leur propre logique, etc.). Et pour finir, elle donne des pistes pour accompagner au mieux ces enfants à l’école (établir des liens entre différentes matières, les laisser faire plusieurs choses en même temps, etc).
En lisant ce livre, j’ai été ravie de voir que certaines personnes se penchent sur le sujet des difficultés que peuvent rencontrer certains enfants précoces à l’école et j’ai trouvé le portrait de ces enfants bien brossé, de manière claire et agréable à lire. Le fait que des livres soient écrits sur le sujet devrait aider à faire passer l’info qu’un enfant surdoué n’est pas forcément un génie à l’école, et donc aider ces enfants en souffrance à être mieux compris. Par contre, j’ai été un peu déçue par la petite taille du dernier chapitre sur les solutions proposées, et par lesdites solutions qui sont sans doute applicables dans une école pour enfants surdoués, mais difficilement en classe ordinaire où chaque classe ne comprend statistiquement que 2% d’enfants précoces. S’adapter totalement à leur manière de penser, c’est bien, mais c’est alors les 98 autres pourcent qui risquent de ne pas y trouver leur compte… Pas de piste concrète, donc, il me semble, pour un enseignant lambda qui voudrait aider son petit élève à aller mieux en classe ordinaire…
8 commentaires sur “Mon petit zèbre à l’école”
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C’est fou quand même parce que ce bilan est très positif (malgré des bas, mais vous êtes aussi tellement bien à l’écoute que vous avez su les détecter à temps et faire le nécessaire), mais il m’a mis les larmes aux yeux. Tout ce que tu décris me fait penser à mon fils, et son entrée en CP m’effraie un peu parce que je sais qu’il va réagir comme ton Hérisson, comme il le fait déjà d’ailleurs. Cette année il a eu une maitresse extraordinaire et très à l’écoute, mais nous ne connaissons pas encore son enseignant de l’année prochaine… J’ai reçu le livre aussi, mais je ne l’ai pas encore lu. Contrairement à toi je persiste à me voiler la face et à ne pas admettre (accepter, comprendre, vouloir…) ce « diagnostic ». Tant de choses à dire… Arf!
Gros bisous ma Marie, il a l’air extra ton petit Hérisson! ♥
Etre attentifs, tu sais, c’est le plus important. Ecouter, fixer des limites, accompagner… C’est ce que vous faites déjà, et tu verras, au final, tout se passera bien ! Bises, et n’hésite pas à m’écrire si besoin !
petit hérisson mignon ! J’espère qu’il va trouvé l’année prochaine une maîtresse en phase avec tout ce qui peut se passer dans sa tête. J’ai le même modèle à la maison, ma grande a aussi eu le même diagnostic et je la retrouve complètement dans la description, l’ennui, la solitude, ces idées qui courent en permanence, les peurs, et les incompréhensions certaines fois du corps enseignant, face à cette petite personne qui a 3 ans 1/2 lit et additionne. Bon courage pour tous les 2 je sais a quel point c’est difficile
Oh là… J’imagine que tu dois entendre beaucoup de choses à propos de ta puce qui a des compétences de plus grand. Cela ne doit vraiment pas être simple pour elle à l’école ! Bon courage et merci pour ton gentil message
Quel témoignage! Je trouve cela très restrictif de la part d’un enseignant de dire « il n’est pas premier de la classe »… Il n’a vraiment rien compris à la précocité! Je connais un adulte qui vient d’être seulement diagnostiquer… si seulement il l’avait été enfant, certaines choses/événements auraient peut-être été mieux compris et ce serait certainement différent! Vous avez raison d’accompagner Hérisson comme vous le faites et je souhaite sincèrement que les enseignants s’ouvrent davantage sur le sujet! Si tu veux que l’on en discute, tu peux me mailer.
Gros bisous Marie!
Merci pour ton témoignage. Depuis deux ans, je me suis vraiment plongée sur le sujet (qui est passionnant !). On parle de plus en plus de la précocité, et c’est une bonne chose. Mais il y a effectivement encore tellement à faire dans l’éducation nationale !!! Bises et merci !
Elle n’a rien compris à la précocité, cette maîtresse…plein d’enfants précoces sont en échec, ou simplement « dans la norme »!
Mais Hérisson ne veut pas faire 5 exercices identiques s’il a pu prouver qu’il a parfaitement compris la notion au bout d’un exercice, et ne voit pas l’intérêt de se dépêcher de terminer son exercice si la carotte est un deuxième du même acabit. » J’adore ce que tu as écrit. C’est, à mon sens, un des gros soucis de l’enseignement « classique » et pas que pour les précoces…les « bons » s’ennuient à refaire 10 fois le même exercice et ça ne leur apporte rien, les « faibles » n’y arriveront pas plus à la dixième qu’à la première si on ne change pas l’approche…
Oui, et si on regarde un peu du côté de la Belgique et du Canada, on se rend compte du chemin qu’il reste à parcourir en France pour améliorer un minimum la vie scolaire des enfants qui sortent du cadre, que ce soit les dys, les TDA//H, les TSA, ou les EIP… C’est chouette que tu sois sensible à tout ça ! Les élèves que tu croises ont bien de la chance…