Le mythe d’Icare, ou celle qui s’est brûlé les ailes en voulant s’approcher du soleil…
Publié par mon-nid dans Education le 2 juillet 2013
-
Coquillette est une gentille petite fille qui n’a pas confiance en elle et a besoin d’un regard extérieur pour s’apprécier à sa juste valeur.
Or dans sa classe, depuis 4 ans, se trouve un soleil. Une gamine lumineuse et radieuse, la copine que tout le monde rêve d’avoir, pétillante et amusante, toujours le mot pour rire, vive et alerte. La gamine qui éclipse toutes les autres.
Coquillette et la gamine soleil étaient copines. Un peu. Suffisamment, en tous cas, pour s’inviter aux anniversaires de l’une et de l’autre, chaque année.
Et puis, en début d’année scolaire, parce que la classe était composée de deux niveaux, CP et CE1, que les gamins n’y étaient que peu nombreux (surtout les filles), le soleil a brillé encore plus fort. Et ma Coquillette à moi s’est transformée en papillon de nuit, ébloui et attiré.
Mon papillon de nuit ne parlait que de Louise. Ne rêvait que de Louise. Ne pensait qu’à travers Louise. On a vu, au fur et à mesure, l’indépendance et la volonté de notre Coquillette s’émousser. Louise pensait ci, Louise disait ça, Louise ceci et Louise cela.
On a eu beau tirer, tenter de raisonner, notre papillon de nuit restait aveuglée… « Louise a dit qu’elle avait déjà vu une fourmi géante ! Grande comme un berger allemand ! » « Louise a dit que dans 100 ans, la Terre allait exploser ! » « Louise dit qu’il faut faire attention, parce que des fois, il y a des vers de terre dans les assiettes de la cantine… Elle en a déjà vu 10 dans son assiette, un jour, et la dame l’a obligé à tous les avaler ! » « Louise… »
Louise nous sortait par les trous de nez. Petit à petit, notre papillon de nuit a commencé à se brûler les ailes. Et à se faire mal. Très mal.
Petit à petit, notre Coquillette est rentrée en pleurant de l’école « parce que Louise lui a dit qu’elle était bête ». Petit à petit, Coquillette a décidé de masquer les princesses sur son cahier de texte « parce que Louise s’est moquée d’elle en disant que c’était pour les bébés ». Petit à petit, Coquillette s’est mise à se morfondre « parce que c’est toujours Louise qui décide de ce à quoi on joue, et que moi, j’en ai marre de jouer à chat ».
Et Coquillette a perdu sa joie de vivre. Et sa maîtresse a demandé à me parler parce qu’elle se mettait à pleurer en classe, et expliquait ça par Louise. Et ses notes ont chuté parce qu’elle n’arrivait plus à se concentrer, parce qu’elle pensait sans arrêt à Louise.
Alors on a vu rouge. On a été radicaux. On a demandé à Coquillette de s’éloigner de Louise. De jouer avec d’autres petites filles.
Coquillette était tellement malheureuse qu’elle a fini par nous écouter. Par s’éloigner de Louise. Qui du coup, l’a rejetée. Totalement. Qui du coup interdisait aux autres de jouer avec notre puce. Qui manigançait des pièges à créer dans la terre de la cour pour que Coquillette tombe dedans. Qui disait aux autres « à la récré, on va aller embêter Coquillette ».
Et Coquillette s’est retrouvée à manger seule à la cantine. A être seule dans la cour. Seule dans le bus lors de la sortie de fin d’année.
Coquillette était de plus en plus effondrée. Nous l’avons soutenue, et l’Homme a décrété que quoi qu’il se passe, nous n’inviterions pas Louise à l’anniversaire de notre fille. Je ne pouvais que me ranger à cet avis !
Et puis finalement, Coquillette s’est recréé un réseau d’amies, de gentilles petites filles de CP, qui sont dans sa classe, partageant le double niveau. Tout se tassait petit à petit. Coquillette était de nouveau heureuse, et nous aussi.
Sauf qu’une semaine avant le fameux anniversaire, Louise en a eu vent. Et s’est rapprochée de Coquillette. Pour lui demander si elle était invitée. Et pourquoi non. Notre puce s’est bien évidemment cachée derrière notre décision, comme nous lui avions conseillé de le faire. Mais Louise a tempêté : ses parents étaient des méchants, il n’y avait aucune raison que ce soit eux qui disent qui avaient le droit de venir à cet anniversaire, etc. Nous n’avons pas craqué. Alors Louise a semblé se calmer. Et a rejoué avec notre puce.
Sans doute pour l’amadouer.
Ca a fonctionné…
Coquillette était ravie de retrouver les faveurs de ses copines de CE1. Elle avait peur que tout se recasse, et a souhaité inviter Louise à son anniversaire. J’étais prête à craquer, mais l’Homme est resté inflexible. Louise avait fait trop de mal. Comment être sûr que ce revirement de situation n’était pas dû à l’approche de l’anniversaire, justement ? Coquillette a pleuré, supplié… En vain.
L’anniversaire est arrivé. Entre les copines de CE1 et celles de CP, les invités étaient fort nombreux (et encore, nous avions dû nous résoudre à ne pas inviter tout le monde). Coquillette s’est éclatée.
Et maintenant ? Et bien à priori, Louise s’est calmée. Les relations sont pacifiées. Coquillette continue à jouer avec ses nouvelles copines de CP, et puis parfois avec celles de CE1, Louise y compris. Elle souffle. Nous aussi. Mais elle comme nous restons fort vigilants par rapport à la lumière du soleil !!! Je crois que Coquillette protège maintenant ses ailes…