Quand l’ouragan dévaste une exposition…
Publié par mon-nid dans Education le 14 mars 2013
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Je suis allée dernièrement visiter une exposition d’art avec les oisillons. Le vent soufflait tranquillement, l’air était calme, rien ne laissait présager la tempête…
L’exposition, je ne comptais pas y rester longtemps. Juste le temps de faire un petit tour, pour voir. Initier les enfants à l’art, leur montrer différentes sortes d’œuvres : peintures, dessins, moulages, sculptures, photos, etc. L’exposition était très variée.
Je connais mes oisillons, ils savent comment se comporter dans ce cas-là, donc je ne leur ai rappelé aucune règle de conduite. Est-ce là mon tort ? Je ne sais pas…
Toujours est-il que nous sommes arrivés en même temps qu’une autre famille, une maman avec ses deux enfants. Et que dès l’arrivée dans le local de l’exposition, les choses ont pris une tournure gênante… La brise a commencé à se lever et à soulever les cheveux, caressant les visages.
A peine entrés dans les lieux, donc, les deux garçons de l’autre famille ont été pris d’une subite envie d’aller voir l’autre salle, là, maintenant, tout de suite. Ni une, ni deux, alors que la dame et moi saluions en entrant les personnes qui surveillaient la première salle de l’exposition, ses deux loulous ont couru entre les sculptures pour atteindre la salle du fond. Mes oisillons à moi m’ont jeté un bref coup d’œil avant de slalomer à leur tour pour rejoindre ces petits inconnus…
Forcément, nous avons poussé un petit sprint, nous aussi, pour retrouver les quatre compères contemplant sagement les tableaux de la deuxième salle. Le vent semblait s’être calmé, les enfants ne touchaient rien, et je n’ai donc rien dit. Est-ce là, ma grossière erreur ? En tous cas, l’autre dame n’a rien dit non plus…
Et c’est alors que le vent a commencé à me siffler aux oreilles. Les chapeaux devaient être rajustés sur les têtes car menaçaient de se laisser emporter…
Le plus petit des deux garçons a découvert une chaise brodée intégralement au fil d’or. Une œuvre de l’exposition. Il s’en est approché, un peu, beaucoup, a levé la jambe pour grimper dessus… « Non ! Tu n’as pas le droit !!! ». Je suis intervenue… Mon cœur commençait à battre la chamade.
De dépit, et puis parce que sa maman a lui n’avait rien vu, rien dit, le petit loulou est parti s’enfermer dans les toilettes. Après un zigzagage en règle entre les œuvres, bien entendu. Pendant ce temps, son grand frère a avisé un piano, qui trainait là. Un beau piano. A queue. Il a soulevé le battant, et a fait résonner les notes des plus graves au plus aiguës, dans les salles de l’exposition. Je suis restée pétrifiée. La dame s’est approchée, et a recommandé à son fils de « faire doucement »… Le plus jeune, en entendant le son, est sorti des toilettes, a slalomé à toute allure entre les œuvres, et a rejoint son frère pour taper à son tour sur le clavier. Magnifique cacophonie ! Je priais intérieurement pour que les surveillants de l’exposition arrivent au pas de charge et arrêtent le massacre, mais non…
Heureusement, mes oisillons à moi ont juste regardé, fascinés, tentés, frémissant d’envie… Mais leur bonne éducation (ou leur peur de ma réaction) a pris le dessus, et ils se sont abstenus.
Le vent soufflait de plus en plus fort. Les chapeaux étaient emportés au loin depuis longtemps. On commençait à devoir se courber pour avancer face au vent fort…
Les enfants ont décidé qu’ils devaient voir de toute urgence la première pièce. Zigzag en règle, dérapage contrôlé sur le parquet, les deux frères suivis de près par les deux miens ont atterris de nouveau loin de nos yeux. Nous les avons vite rejoins.
Les personnes à l’entrée regardaient la scène d’un air désapprobateur et glacé, mais ne disaient rien. Les enfants ont trouvé une télécommande permettant d’allumer une œuvre. Les deux frères se sont battus pour la prendre jusqu’à ce que l’un d’eux perde prise brusquement, et se retrouve catapulté sur un socle soutenant une sculpture. J’ai vu le socle vasciller, tenter de retrouver l’équilibre, puis finalement pencher dans l’autre sens, de plus en plus fort… La statue dessus commençant à glisser vers le vide, tranquillement, puis de plus en plus vite. Fort heureusement, une dame se trouvait à proximité. Elle a tendu les bras, et rattrapé in-extremis l’œuvre, avant de jeter un regard noir vers les enfants et leurs mères… L’autre mère, justement, a vaguement dit à son fils « fait attention »…
Mais la tempête s’était totalement levée. Des vagues de 5 mètres de haut battaient avec rage les rochers. Des branches d’arbre se cassaient et étaient projetées contre les fenêtres des maisons alentour.
Le petit garçon a rigolé, et est parti se cacher derrière les paravents. Coincé entre le mur et le support des tableaux. On pouvait suivre sa progression grâce au balancement des tableaux, poussés par derrière. Chacun retenait son souffle. Personne n’osait bouger. Et alors que tous avaient le regard posé sur la sortie des paravents, là où le petit garçon ne manquerait pas de débouler, le coin de mon œil a été attiré par l’autre garçon, qui, tout à sa télécommande, reculait inconsciemment, droit vers un nouveau support et une nouvelle sculpture. Je n’ai eu que le temps de hurler « Attention », pour qu’il se fige, me regardant d’un air ébahi, le socle destabilisé dans le dos, l’œuvre menaçant elle aussi de chuter.
Et tandis que le plus jeune garçon déboulait d’un côté, qu’une dame récupérait de nouveau in-extremis l’œuvre menacée de l’autre, que mes oisillons regardaient tout ça d’un air amusé, vaguement déçus de ne pas avoir le cran de se joindre à la mêlée, que l’autre maman rhabillait tranquillement ses garçons qui avaient entre temps jeté leurs manteaux au milieu de la salle, que le vent tambourinait à nos oreilles… les dames de l’exposition ont commencé à converser à voix haute, en nous fusillant du regard, elle et moi, sur le thème de l’éducation relâchée, des règles non dites et donc non appliquées, de l’insolence des enfants d’aujourd’hui et de la désinvolture coupable de leurs parents.
Et alors, le feu aux joues, le regard bas, j’ai emmené mes oisillons à moi loin, très loin de tout ça… Et puis je leur ai fait une belle leçon de morale. Leçon qui finalement ne leur était pas vraiment destinée, à eux. Puisque le seul tort qu’ils ont eu a été de suivre et de regarder amusés la folie des deux autres. Mais le tort était quand même là, car s’ils ne l’avaient pas fait, s’ils n’avaient pas été de si joyeux spectateurs, peut-être les deux autres garçons ne seraient pas allés aussi loin. Ou en tous cas, au moins, je ne me serais pas sentie si coupable, comme si c’était moi, la maman des deux petits déchainés…