La rivière qui avait envie d’aller se promener…
Publié par mon-nid dans Notre quotidien le 7 juin 2016
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On passe dessus tous les jours, pour se rendre à l’école qui se trouve de l’autre côté.
La rivière.
Pas grosse, toute sage et bien tranquille, lieu de promenade des canards du coin, et des bons gros poissons dont je ne connais pas les noms, nous l’observons depuis le pont.
La rivière.
Sur le bord, sous le pont, une berge. Jolie promenade du dimanche, en contrebas de la rue, pour changer du bois un peu plus loin.
Parfois, l’eau monte. Un peu. La berge est menacée, Ouh là là !
Rarement, l’eau monte beaucoup. La berge a les pieds dans l’eau, l’accès en est interdit, et nous, depuis le pont, nous commentons : Ouh là là de Ouh là là !
C’est sympa, on fait météo fluviale depuis notre pont. Plusieurs fois par jour.
Ce mardi-soir là, en rentrant de l’école, nous avons fait une halte sur notre pont. L’eau était montée comme jamais nous ne l’avions vue. La berge était dans l’eau, et seul le haut de la balustrade la séparant de la rivière était visible au-dessus des flots.
C’était impressionnant, j’ai pris une photo. C’était quand même bien Ouh là là, ce soir-là !
Et nous sommes allés nous coucher.
Mercredi matin, notre rue était pleine de voitures au touche-touche. Etrange et inédit, mais pour qui part à l’école à pied, c’est une vision plutôt drôle. Un peu plus loin, de l’autre côté du pont, un capharnaüm impressionnant, de voitures dans tous les sens, de policiers municipaux sifflant à qui mieux-mieux, et des barrières barrant les routes qui partaient à droite et à gauche, le long de notre rivière.
Et puis le pont.
L’eau était montée encore. De la berge, plus aucune trace. De la rive, plus trace non plus. De la rue longeant la rivière, presque plus non plus, mais un énorme lac boueux recouvrant tout ça, sans distinction de rive, berge ou rue. Le pont étant légèrement plus haut que le reste, nous sommes passés au sec.
Et nous sommes arrivés à l’école.
Là-bas, la panique continuait. Plus de la moitié des enseignants était absent, coincés dans les embouteillages, ou occupés à écoper leur maison sinistrée.
J’ai gardé mon Bouchon avec moi pour la matinée.
Nous en avons profité pour nous promener. L’eau était partout. Une odeur de vase régnait sur la ville. Une cellule de crise avait été créée pendant la nuit, un gymnase réquisitionné pour loger tous les sinistrés. Le pic avait eu lieu à 4h du matin. Depuis, l’eau refluait.
Mais en attendant, l’eau était partout. Certaines maisons étaient cernées, des voitures noyées, les tennis n’étaient identifiables que grâce au sommet des filets qui dépassaient des flots, le lac, dans le parc au milieu de la ville, s’était transformé en vaste étendue d’eau, sans distinction de la rue, du lac, du chemin en faisant le tour, ou de la rivière à côté. Vision étrange de banc à moitié immergés de place en place.
Et puis, dans une rue, des pompiers en barque, tentant de rejoindre un trottoir qui commençait à réapparaître, et plantant finalement là leur barque, pile sous le panneau « stationnement interdit ».
Des gens, un peu partout, en train de photographier cette nouvelle Venise, bouche ouverte et yeux écarquillés.
Notre maisonnette, elle, est suffisamment en hauteur pour être restée au sec. Les câbles électriques, eux, n’ont pas eu cette chance. Mais ça, c’est une autre histoire…