Le toboggan ni bête ni mignon
Publié par mon-nid dans Humeurs le 19 juillet 2013
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C’est l’histoire d’un grand carton. Tout bête. Tout mignon.
Un grand carton qui n’avait l’air de rien, comme ça, abandonné dans le grand jardin des vacances, par un livreur pressé.
Un grand carton inoffensif.
Les grands-parents des oisillons étaient tous fiers, eux, de leur grand carton, tout bête et tout mignon. Ils racontaient une histoire autour, brodaient fort, et laissaient l’imagination des oisillons vagabonder sur le contenu du grand carton. Toujours et désespérément tout bête et tout mignon.
Les oisillons fantasmaient un peu : un trampoline ? Une maison magique ? Un tapis volant ? Une salle de jeux ou bien même une fête foraine ?
Mais le carton, le grand carton, ne devait pas être si délirant, lui qui était si bête et si mignon.
Alors, après 3 jours de conjectures, les grands-parents ont fini par lever le suspense et ouvrir le carton.
Tout bête. Tout mignon.
Dans le grand carton, il y avait des barres, petites, grandes, moins grandes, penchées à gauche, ou bien à droite, courbées ou pliées, avec 4, 3 ou bien 2 trous. Il y avait des vis, grandes ou moins grandes, étroites ou moins étroites, foreuses ou non foreuses. Il y avait des écrous, pleins ou creux, grands ou petits, gris ou blancs. Il y avait des rondelles, des plaques, et des plaques en rondelles. Il y avait un grand bout de plastique et un autre beaucoup plus petit.
Et puis surtout il y avait un plan. Un joli plan, avec cinq numéros 1 et trois numéros 4. Un plan sans numéro de page, mais avec des numéros de vis, d’écrous et de barres. Des numéros à 6 chiffres, qui ne se différenciaient que par le dernier (chiffre). Un plan d’une quantité de pages impressionnante pour expliquer quelle barre était à fixer au bout de quelle autre barre au moyen de quelle vis, serrée à l’aide de quel écrou et quelle rondelle.
Et puis il y avait un dessin. Avec un toboggan. « Oh ! Un toboggan ! » ont dit les oisillons.
Et puis ils sont partis à la balançoire. Un toboggan en kit, c’est finalement aussi bête qu’un grand carton, tout en étant moins mignon.
Avec les grands-parents des oisillons, on s’est gratté la tête en regardant le plan.
Alors finalement, parce qu’un plan sans numéro de pages mais avec trop de numéros tout court, c’était bien plus fatigant à regarder qu’une recette avec des numéros et des unités aux numéros, ma mère est partie préparer un gâteau.
Alors, profitant du fait que nous étions trop concentrés sur les nombres inscrits sur le pan pour compter notre nombre à nous, l’Homme est parti voir s’il n’avait pas de nouveau mail, et accessoirement pour aller voir ailleurs si on y était.
Finalement, mon père et moi, on s’est regardés. On a regardé le toboggan en vrac, à nos pieds. Et on a regardé le plan.
Alors, tout en poussant un soupir, on en a profité pour pousser le carton, devenu désespérément bête, mais toujours aussi mignon. Et on s’est attelé au montage de la bête (qui elle, n’était pas mignonne du tout).
Au bout d’une heure, on avait monté l’échelle.
Au bout de deux heures, l’échelle était démontée pour récupérer la toute première rondelle en forme de plaque, qu’on avait mise au tout début, et qui en fait n’allait pas là. A sa place, il fallait mettre la même rondelle en forme de plaque, mais celle qui avait 2 millimètres de plus en largeur. La rondelle b49-785 au lieu de la d49-785. Qu’est-ce que nous pouvions être bêtes (et mignons) !
Au bout de 3 heures, nous cherchions le trou pour passer la vis 425-781b.
Au bout de 3 heures 30, nous avions fini par percer le trou pour passer la vis 425-781b à la perceuse, et enfiler la vis 462-719 dedans (oui, une erreur fatale a failli être faite).
Au bout de 4 heures, la foreuse était en route.
Au bout de 5 heures, nous entamions ce p**** de saleté de toboggan infernal à la pioche.
Au bout de 6 heures, nous étions éreintés, mais le toboggan était monté. Ni bête, ni mignon.
Les oisillons sont revenus. Ils ont penché la tête d’un côté. Puis de l’autre.
Ils nous ont souri gentiment, ont hurlé « c’est ce qui nous manquait ! », et sont partis à toutes jambes, en traînant derrière eux le grand carton, si bête et si mignon. Ils avaient enfin un sol pour leur cabane…
Alors avec mon père, on s’est regardé, et on a été se boire une bière.
Na.
La prochaine fois, je m’en méfierai. Des grands cartons. Si bêtes et si mignons…